mercredi 24 février 2010

MAX ERNST (II)

Max ERNST, Le Rossignol chinois, Photomontage, 1920, 12,2 X 8,8, Grenoble, Musée de Grenoble
Max ERNST. La Santé par le sport. Collage, 1920
Max ERNST, Au-dessus des nuages, marche la Minuit. Au-dessus de la Minuit, plane l'oiseau invisible du jour. Un peu plus haut que l'oiseau, l'éther pousse et les toîts flottent. Collage, 1920, 18,4 x 13, collection particulière
Je suis tenté d'y voir l'exploitation de la rencontre fortuite de deux réalites distantes sur un plan non-convenant (cela soit dit en paraphrasant et en généralisant la célèbre phrase de Lautréamont : Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie) ou, pour user d'un terme plus court, la culture des effets d'un dépaysement systématique selon la thèse d'André BRETON: « La surréalité sera d'ailleurs fonction de notre volonté de dépaysement complet de tout (et il est bien entendu qu'on peut aller jusqu'à dépayser une main en l'isolant d'un bras, que cette main y gane en tant que main, et aussi qu'en parlant de dépaysement, nous ne pensons pas seulement à la possibilité d'agir dans l'espace). » (« Avis au lecteur pour La Femme 100 têtes de Max Ernst »)

Une réalité toute faite, dont la naïve destination a l'air d'avoir été fixée une fois pour toutes (un parapluie) se trouvant subitement en présence d'une réalité très distante et non moins absurde (une machine à coudre) en un lieu où toutes deux doivent se sentir dépaysées (sur une table de dissection) échappera par ce fait même à sa naïve destination et à son identité ; elle passera de son faux absolu, par le détour d,un relatif, à un absolu nouveau, vrai et poétique : parapluie et machine à coudre feront l'amour. le mécanisme du procédé me semble dévoilé par ce très simple exemple. La transmutation complète suivie d'un acte pur comme celui d'amour, se produira forcément toutes les fois que les conditions seront rendues favorables par les faits donnés: accouplement de deux realités en apparence inaccouplables sur un plan qui en apparence ne leur convient pas.
Max ERNST, « Au-delà de la peinture », Écritures, Paris, Gallimard, 1970, 253-256
Max ERNST. La Parole ou Femme-oiseau. Collage et gouache sur papier. 1921, 18.5 x 10.6, Collection particulière
Albrecht DÜRER. Adam et Ève, gravure sur cuivre, 1504, 25 X 19

LA PAROLE

J'ai la beauté facile et c'est heureux.
Je glisse sur les toits des vents
Je glisse sur le toit des mers
Je suis devenue sentimentale
Je ne connais plus le conducteur
Je ne bouge plus soie sur les glaces
Je suis malade fleurs et cailloux
J'aime le plus chinois aux nues
J'aime la plus nue aux écarts d'oiseau
Je suis vieille mais ici je suis belle
Et l'ombre qui descend des fenêtres profondes
Épargne chaque soir le coeur noir de mes yeux.

Paul ÉLUARD, « La Parole » (1923), Répétitions


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