jeudi 11 février 2010

GEORGE GROSZ (I)

George Grosz (1893-1959) et Eva PETER (1896-1960)


George GROSZ portant le masque de la Mort, Berlin, 1918

Dès que je commençai à vivre consciemment, je découvris qu'il n'y avait pas grand'chose à attendre de la gloire et surtout de nos contemporains. (...) Pour atteindre à un style qui pût rendre la dureté et la laideur de mes objets, j'étudiai les manifestations de l'instinct artistique. Je copiais dans les pissoirs les dessins folkloriques parce qu'ils semblaient être l'expression la plus directe et la traduction la plus exacte de sentiments forts. De la même façon les dessins d'enfants m'inspiraient parce qu'ils sont sans équivoque. (...) Démobilisé, de retour à Berlin, j'ai vécu les débuts du mouvement DADA. Ce mouvement avait ses racines dans ma conviction et dans celle d'autres camarades que c'était folie de croire qu'un « esprit » (Geist) quelconque règne sur ce monde. Goethe sous le feu roulant. Nietzsche dans le sac du soldat. Jésus dans les tranchées. Il y a toujours eu des gens pour croire à la puissance de l'« esprit » et de l'art. Comme nous parlons ici d'art, encore quelques mots sur le dadaïsme, le seul mouvement artistique en Allemagne depuis des dizaines d'années. Ne souriez pas : par ce mouvement tous les « ismes » de l'art sont devenus de petites affaires d'atelier d'avant-hier. Le dadaïsme n'était pas un mouvement idéologique mais un produit organique, né pour lutter contre toutes les tendances nuageuses de l'Art qui réfléchissait sur les cubes ou le gothique tandis que les maréchaux peignaient avec du sang. Le dadaïsme a forcé les artistes à prendre position. Qu'ont fait les dadaïstes ? Ils ont dit : il importe peu que l'on produise un sifflement ou que l'on fasse un sonnet de Pétrarque ou de Rilke, que l'on dore les talons ou que l'on sculpte des madones, on tire quand même, on pratique l'usure, on a faim, on ment, à quoi bon l'Art. Aujourd'hui je sais, et avec moi tous les fondateurs du dadaïsme savent, que notre seule erreur était de prendre au sérieux ce prétendu Art. Le dadaïsme était le réveil de cette illusion. Nous avons vu les résultats idiots de l'ordre de la société régnante et nous avons éclaté de rire. Nous ne voyions pas encore qu'au fond de cette folie il y avait un système. La révolution, en s'approchant, nous a fait prendre conscience de ce système.

George GROSZ, « Entretien», G. Material zur elementaren Gestaltung (dir. : Hans RICHTER), Berlin, 1923

George GROSZ. Pandemonium, 1914, encre de Cine, 47 X 30,5, collection particulière

George GROSZ. The City, 1916-1917, 100 X 102, Lugano, Thyssen-Bornemisza Collection

George GROSZ. Suicide, 1916, 100 X 77,6, Londres, Tate Gallery

George GROSZ. Hommage à Oskar Panizza, 1917-1918, 140 X 110, Stuttgart, Staatsgalerie Stuttgart

George GROSZ. Allemagne, conte d'hiver, 1919, oeuvre disparue

George GROSZ. Automates républicains, 1920, gouache sur papier, 60 X 47,5,
 New York, The Museum of Modern Art

George GROSZ. Sans titre (Homme Réifié), 1920, 81 X 61,
Düsseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen